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Marc-Michel GEORGES vous en parle

OUAM interview MMGeorges

« L'amour d'écrire en direct » c'est venu comment ?
 

Difficilement ! Je veux parler du titre de ces soirées. ! J'ai voulu apposer ensemble des mots qui n'allaient pas forcément s'entendre entre eux : « Ecrire », un mot pas très sexy, « L'amour », un mot souvent accaparé par les « ravis de la crèche »... Une provocation aussi, de façon à ce qu'on lise au premier coup d'oeil « l'amour en direct ». Marquer un territoire, en mariant modestement le profane et le sacré !

 

Mais le concept lui-même ?

 

Au début, l'idée de faire se rencontrer les « écrivants » entre eux. Nouvel arrivant aux Ecrivains Associés du Théâtre, j'ai compris tout de suite, en étant au milieu des 200 adhérents, que ce qui m'intéressait en premier lieu, c'était non pas ce qui se disait à la tribune, mais ce qu'on avait envie de se dire entre nous. Je voyais aussi « l'écrivant » comme l'élément de la création le plus éloigné géographiquement de l'endroit où « ça se passe ». J'ai eu l'envie de le rapprocher du spectateur, d'en faire la vedette.

 

La fonction de « l'écrivant » est d'écrire, concentré sur son monde intérieur, un être de l'ombre par nécessité...

 

Solitude nécessaire certes, mais fatalement pénalisante. Un être sans visage, dans un monde (celui du spectacle) qui réclame des têtes, un monde de communication qui véhicule photos, videos, enregistrements... Mettre sur un plateau de théâtre, en lumière, quatre « écrivants » devant un public, pour ce formidable challenge d'écrire en moins de 10 minutes à partir de contraintes, d'inducteurs. Voilà le pari que je lançais.

 

Au début de ces soirées en 2007.. il y avait un jury !

 

Oui, un jury de metteurs en scène souvent. L'objectif de faire se rencontrer écrivants et metteurs en scène in situ...

 

Et des maisons d'édition

 

oui, une maison d'édition pour le théâtre était présente à chacune des soirées, et la plupart du temps des contrats se signaient dans la foulée...

 

vous réalisiez en une soirée, ce que la plupart des auteurs (très peu) n'obtiennent qu'à force de harcèlement parfois... rencontrer un metteur en scène, et une maison d'éditions !

 

oui, lors d'une soirée festive, car je tenais depuis le début, à offrir un cadre accueillant, une convivialité (j'invitais les écrivants et le jury à se rencontrer autour d'un repas avant la soirée). Retrouver aussi une proximité avec le public...

 

votre rôle à vous était « d'animer » ces soirées...

 

exactement. Présenter, dire bonjour au public, prendre les réservations, faire la publicité, faire les démarches pour trouver une salle, et passer les plats comme l'on dit ensuite...

 

au début, on sentait votre effacement, votre volonté de laisser la place aux écrivants, aux artistes...

 

Oui, au début j'aurais souhaité n'être que l'inventeur de ces soirées et y assister en spectateur. Mais sans moyens au départ, j'ai dû me charger de ce rôle « d'animateur »...

 

et ensuite ?

 

Ensuite, à mon insu, cette « position » dans la soirée, que j'ai voulu partager un moment avec Camille Solal, s'est étoffée, pour passer ensuite, « d'utile » à « incarnée ». Au moment où j'ai voulu prendre une distance avec ce « rôle » j'ai senti que je ferais disparaître avec moi un peu de l'esprit de cette soirée. J'ai écouté les conseils de mes amis. J'ai compris qu'il fallait que je reste, que je m'y risque aussi et que je remplisse totalement cette fonction.

 

Revenons aux « écrivants ». Beaucoup cependant, sont également acteurs...

 

Oui, mais ils sont là en obligation d'écrire... cela change la donne. L'acteur du coup, est contraint par l'exercice lui-même, à une grande discrétion. Le public est venu pour entendre l'écriture, et voir le corps de l'écrivant, pas celui de l'acteur. Il est là, pour le lui rappeler...

 

vous présentez vos soirées souvent avec cette phrase... « faire spectacle avec l'écriture ».

 

oui, je fais un casting d''écrivants, comme l'on fait un casting d'acteurs, avec le souci, de montrer des différences autant que je le peux : différence d'écriture, d'âge, de physique... J'y vais aussi à l'instinct.. Il y a de toutes façons cette part d'inconnu, car aucun écrivant ne pratique l'écriture sous ces contraintes là, en un temps aussi limité. Il peut y avoir de mauvaises surprises (très peu) mais à 98 % ce sont de bonnes surprises.

 

Justement, l'écriture ne souffre-t-elle pas de toutes ces contraintes ?

 

Peut-être (je n'en suis pas certain). Les écrivants qui ont accepté le challenge ont déjà l'intuition que leur écriture permet ce risque. On n'assiste pas forcément à de la grande littérature, mais on est témoin de fulgurances, des "lâchers d'images" étonnantes, de trouvailles, du percutant. Oui, il y a des instants de grâce lorsque l'écrivant en équilibre fragile, glisse et se retrouve dans des territoires inconnus, comme emporté par la contrainte. Je me souviens toujours de la phrase de mon papa, quand les mots, les images lui arrivaient d'un autre monde : « mais où va-t-il chercher tout ça » ? Toucher un peu la peau du ciel...

 

le public vient en grande partie pour cela... Isabelle Bournat, poète a écrit à propos de ces soirées : "écriture au bord du précipice" !

 

oui, c'est plus cela qu'un "combat de plumes" comme cela été écrit également. Le vainqueur de la soirée n'emporte... que les objets apportés part le public ! Il n'y a pas de combat !

 

un objet ni lourd, ni cher, ni encombrant...

 

c'est cela... je trouve qu'il est important qu'il y ait un vainqueur, mais pas de perdants !  Le public généralement bienveillant (car il prend en compte la difficulté  du challenge) ne sanctionne pas, mais apporte une voix supplémentaire à un(e) écrivant(e) plutôt qu'à un(e) autre, à un moment "T" !

 

les écrivants tombent-ils parfois dans la facilité... font-ils des appels du pied au public...

 

Le public réagit comme un public normal. Mais le public est instruit des règles du jeu pour les écrivants et aime qu'on les respecte. A partir de là, tous les coups sont permis, dès l'instant où il est question de sincérité et non de manipulation... C'est ce qui fait la valeur ajoutée à ces soirées, par rapport à des lectures publiques qui se multiplient un peu partout, c'est que l'écrivant n'a pas eu le temps de se relire, il devient le premier spectateur de son texte, le premier surpris, et comédien ou pas, c'est alors le corps de l'écrivant qui est en jeu, son émotion soudaine, le spectateur est alors au coeur de l'écriture en train de s'écrire si peux dire... Ce sont ces intenses communions alors entre public et écrivants. Voilà une des raisons du succès de ces soirées.

 

Et le rire est souvent présent...

 

Ce sont des soirées effectivement où l'on rit beaucoup, car l'idée générale est de faire sérieusement les choses sans se prendre au sérieux. Passer un bon moment, un grand moment avec des spectateurs, cela ne se construit pas avec un succession de blagues accolées à des moments d'intense gravité, mais qu'il y ait de tout dans tout. Et pour cela j'ai compris de soirées en soirées, qu'il ne me fallait pas tricher moi-même, rester ce que je suis, bâtir ces soirées à chaque fois comme j'aurais aimé qu'il en existe. Ces soirées sont uniques, ne peuvent pas être reproduites, donc je m'y prépare comme à un rendez-vous amoureux et c'est dans cet esprit que tous les artistes et les écrivants qui occupent le plateau ce soir-là sont préparés. Le trac s'invite inévitablement, la maladresse se produit à un moment où à un autre. On est dans l'obligation de passer aux aveux, de faire notre déclaration, de se lâcher, ce qui rend ces soirées très différentes les unes des autres sur l'échelle des valeurs... Mais dans le domaine du spectacle, on le sait, rien n'est jamais acquis, alors...

 

on aurait pu parler, du public qui devient avocat des auteurs, des artistes qui assurent les intermèdes, de François Thomas qui fait un numéro de philo-psycho par rapport à tous les objets légués par le public, des nombreuses et belles critiques, du public de plus en plus nombreux, des parrains prestigieux qui sont venus soutenir ces soirées...et d'un prix sur la fondation Broquette décerné par l'Académie Française.

 

Et de la fondation inter-fréquence, et des Ecrivains Associés du Théâtre (eat), qui soutiennent de façon significative ces soirées. Et de plein  d'autres idées que je veux mettre en oeuvre à partir de 2018 !

On en reparlera ? 

Oui vous serez, Ouam, la première personne à qui j'en parlerai. 

forcément, lol ! 

lol !

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