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SERGE SANDOR

 

Ecrire l’amour en direct

 

C’était la 58ème soirée de « L’amour d’écrire en direct » qui pourrait aussi bien s’intituler « Ecrire l’amour en direct » tant les mots de cette soirée menée par Marc-Michel George et ses cinq auteurs sentent bon les maux de leur amour pour les lettres, comme le parfum d’un mimosa qui coule sur leurs lèvres. « Mimosa » ne vient pas par hasard, il fut l’un des mots tirés au sort avec lequel les auteurs devaient jongler dans le labyrinthe improvisé d’une écriture spontanée. C’était un petit printemps de mimosas en fleurs en plein hiver qui bourgeonnait dans ce Théâtre 13, lieu chargé d’histoire, d’histoires de textes et de scenarios.

Marc-Michel Georges est un bateleur, drôle, vif, amoureux des mots, amoureux des auteurs. Ce soir, nous avions une outsider parmi les auteurs confirmés, une lycéenne de 15 ans, Clémentine qui très vite remettait les choses en place. Pour écrire, le désir est un des moteurs du talent, « l’âge ne fait rien à l’affaire » comme dirait un poète disparu. Nous en avons eu la preuve.

Ils étaient cinq sur la ligne de départ et cinq sur la ligne d’arrivée, la compétition consiste à ce que le gagnant, après le vote du public, ramasse tous les petits objets offerts par ce même public. C’est « Le prix du public ». Mais en fait, la compétition n’est pas entre les cinq auteurs, elle est ailleurs, entre les mots, les phrases qui se côtoient au gré du vent, de la tempête, des silences, des ratés, des ratures, des écritures si rapides à produire, en 10 minutes max, qu’elles sont parfois illisibles et c’est dans ces brèches que le public se glisse. Que de contraintes pour ces auteurs, phrases courtes, des mots choisis qui n’ont rien à faire ensemble et qu’il va falloir réconcilier sur une page, voire deux, voire quelques lignes…

Il y avait donc Clémentine Levaillant, Marie-Do Fréval, Céline Lemarié, Laurent Meliz et Denis Baronnet, la parité n’était pas respectée, qui s’en plaindra ? Ah si j’oubliais le parrain de la soirée, Jean-François Dérec, parité respectée ! Ben non, Camille Solal qui animait aussi la soirée… Oh la parité c’est vraiment casse c… Expression pas très féminine, je demanderai donc à Marie-Do son équivalent dans le féminin. La parité, une évidence, un mot de trop pour les auteurs qui savent bien que sans les femmes, l’écriture serait amputée de son meilleur et comme en plus l’écriture n’a pas de sexe ! La poésie est féminine, le texte est masculin, le roman, la nouvelle, la littérature, le théâtre…

Jean-François Dérec fut donc le parrain discret de cette soirée qu’il ouvrit avec ces mots « Ma présence ne sert absolument à rien » et qu’il conclut en lisant un extrait de « Lettre à un poète » de Rainer Maria Rilke. Mais un petit hommage en clin d’œil lui est rendu, grâce à un film conçu par Marc-Michel, à qui il ne suffit pas d’imposer des contraintes à cinq auteurs, mais qui s’en impose à lui-même, il est maso c’est sûr ! Filmer, jouer et monter un film de 10 minutes dans une journée ! Pari réussi entre lui et elle qui finalement est jouée par lui, un couple qui se dispute, qui se jalouse et qui finit comme le titre nous le révèle sur l’anagramme de Dérec, « Cèdre » ! Joué, écrit, monté, conçu, costumé, déguisé par notre Monsieur Loyal de cette soirée impro-magico-psycho-littéraire.

Par contre, Camille Solal, elle ne fut pas discrète et tant mieux. Elle fit une analyse pointue de nos auteurs, presque tous psychopathes, après que Marc Michel nous l’a confirmé en première partie de soirée : « Oui l’auteur de théâtre est un solitaire avec une vieille écharpe autour du cou, c’est un mélange entre Bukowski et Pierre Arditi, cherchez la copie du vrai, un con, un mondain, si c’est une femme, elle a beaucoup d’hommes, elle fume, elle boit… » C’est bon de se moquer de soi ! La dérision nous fait du bien, les poncifs nous font rire, la soirée est drôle et sans tabous.

Vu par Camille Solal, Denis est dans le déni sans parler de son nom de famille Baronnet, Marie-Do est dans le nique-nique et parfois dans la nique-nique, Clémentine a la phobie des fruits, Laurent est un enfant rebelle, Céline est perdue dans les méandres de la famille avec ses playmobil. En fait ils ont tous un grain, un grain de folie qui sème des graines de mimosas ce soir.

Et quand on demande au public de prendre la parole pour juger de l’écriture de nos cinq auteurs, pas un mot ne fut répété ou repris, chacun a eu le droit à l’exclusivité d’un compliment ou d’une critique bienveillante.

Liste presque exhaustive : « Tendre, sur le coup, présent, romantique, dense, intime, jolie voix, talent masculine, percutante, audacieuse, pétardante, rebelle, fantaisiste, singulière, personnel, penchée, en colère, touchante, gracieuse, vaillante, vraie, rêveuse, électrique, virevoltante, culottée, énergique, poli, sécurisant, prudent, littéraire, charmant, pince sans rire, déculotté, habile, théâtral, obsessionnel, à propos, fil conducteur, mélomane, scénique, ludique, fauché, amusé... »

Il y a bien dans cette soirée « d’aimer l’écriture en direct », une écriture qui fuse sous nos yeux, petits moments de grâce, sur ces auteurs au coin d’une lampe de chevet écrivant sur Tchaikovski des mots fantômes, autres moments de grâce, comme un torrent rappé de mots inventés, fatigués, petits bouts de romans policiers, l’extase pudique de notre ville lumière Paris, les gâteaux comme de petits mots qu’on grignotent, et puis un cul, des culs, des envies d’amour comblés par les mots… c’est tout ça et tous ces riens qui font de cette soirée un moment où les auteurs ensemble nous surprennent, nous happent, des moments d’intense suspense, lol, un vrai spectacle, pour les jeunes comme pour les anciens ! Les mots n’ont pas d’âge.

Serge Sándor

 

Il n'est qu'une seule voie. Entrez en vous-même. Recherchez au plus profond de vous-même la raison qui vous impose d'écrire, examinez si elle étend ses racines au tréfonds de votre cœur. (Rainer Maria Rilke)

 

Projet 2018 en Bourgogne : La scène à tout âge : https://scenatoutage.blogspot.fr/

 

Lady Macbeth de Gaspare Dori et Pamella Edouard, mise en scène Serge Sándor

http://www.billetreduc.com/193641/evt.htm

 

Le site : http://cielabyrinthe.free.fr

 

 

 

 

 

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
L'Amour d'écrire en direct, Lundi 4 décembre 2017

 

Katia Ghanty

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PLONGER

 

 

Ce soir, je suis invitée à « L'amour d'écrire en direct ». Le lieu m'est très familier – le Ciné 13 Théâtre, mais je ne connais ni les gens ni le concept. Je n'ai posé aucune question, je veux tout découvrir, je veux que tout soit une surprise.

 

20h, pour moi la soirée commence en loges, où je rencontre les quatre écrivains, prêts à se jeter dans le tourbillon orchestré par Marc-Michel Georges. Le stress est palpable, et contagieux. Voilà que j'ai peur moi aussi, comme si j'allais écrire à leur place.

L'un dit : «  C'est comme se jeter dans une piscine tu vois, avant tu n'as pas envie, mais une fois que tu as fait tes longueurs, tu es content. »

L'une dit : « Je me sens comme un lion en cage ».

Il faut plonger dans la piscine, donc, ou plonger dans la fosse aux lions – dans tous les cas, plonger. On entend le public s'installer, on entend l'effusion, on entend l'impatience.

 

20h35, Marc-Michel me présente à l'assemblée, et je rejoins le public. Assise tout au fond de ce théâtre que je connais par cœur, pour y avoir joué de nombreuses fois. Mon siège est vieux et branlant mais très vite j'oublie cet inconfort, je suis happée par la joie communicative des spectateurs – la salle est comble, chaleureuse, quasi euphorique.

 

On découvre en vidéo les quatre écrivains qui vont ensuite « s'affronter » sur scène.

L'une dit : « T'as peur, t'es seul, donc t'y vas, quoi. »

L'autre se parle à elle-même et se rassure : « Détends-toi ».

L'un souhaite un bel anniversaire à son fils, présent dans la salle.

L'autre promet : « On va bien se marrer ce soir ».

 

Et c'est vrai, promesse tenue, on se marre. Beaucoup. Et on a peur avec eux, mais on jubile aussi, et on est ému. On les aime, ces écrivains, sans les connaître, et on aime leur manière d'écrire et de lire, de se relire.

Ce qui me touche profondément c'est ça : la manière qu'a chaque auteur de se relire. On reste bien droit et bien campé sur ses deux jambes – ou l'on tangue d'une jambe à l'autre, équilibre incertain – ou on semble décontracté comme si l'on parlait à un pote autour d'un café – ou on ne perd jamais son sourire mutin – ou sans arrêt on se touche les joues, comme pour se refroidir, comme si le visage pouvait s'embraser sous le regard du public, comme si les joues pouvaient flamber de peur.

 

Il y a quelque chose de fou là-dedans : assister à la naissance des mots.

Ce que ça fait, de prononcer ces mots neufs. Ce que ça fait, de les entendre, ces mots neufs.

En guise d'intermèdes, l'inénarrable Marc-Michel se met lui-même en scène, ou invite des artistes dont il admire le travail : un chanteur amoureux, une humoriste slameuse. Chacun partage avec nous ses mots. La joie et le plaisir des mots, la surprise inépuisable des mots, on les savoure, on s'en délecte, on ne s'en lasse pas.

 

Aujourd'hui, les invités s'appellent Gabriel de Richaud, Bernard Jeanjean, Agnès Marietta, Judith Zins, Romain Maron, Lauréline Kuntz, Nelson Monfort ; mais la prochaine fois, les noms seront différents, la surprise toujours renouvelée, l'alchimie réinventée.

Et à la fin de la soirée, le parrain du jour Nelson Monfort chante a cappella « Strangers in the night »... C'est une belle manière de conclure.

« L'amour d’écrire en direct », c'est ça : un soir, des étrangers, réunis dans la pénombre et la chaleur d'une petite salle de théâtre, et on se dit des mots et on écoute des mots et on regarde l'écriture naître et l'écriture devenir parole, et c'est un peu fou et un peu bordélique et un peu improbable, et c'est beau et c'est joyeux et c'est touchant et c'est drôle.

Plonger, ensemble.

 

 

http://katiaghanty.wixsite.com/katia-ghanty

 

http://www.carnetsnord.fr/titre/les-frottements-du-coeur

 

 

L'amour d'écrire en direct Mardi 26 septembre, 2017

 

Eliza de Varga

C’est au Ciné 13 Théâtre, chez Claude Lelouch, dans l’ancien décor du film « Edith et Marcel » et ça tombe bien : l’entraineur ce soir est Marc-Michel Georges. Sur le ring les poids Plume : Flore Grimaud, Agnès Marietta, Christophe Botti, Christophe Lenoir.

Pour l’heure ils sont en coulisses, le challenge les tenaille, le trac aussi…Imaginez : quatre rounds d’écriture bien sonnés, au débotté et sous contraintes. Mais j’exagère, ce n’est pas un match, même s’il faut rester dans les cordes, c’est chaleureux, c’est ludique, c’est «  L’amour d’écrire en direct », un concept unique en France.

Chez un auteur, l’idée entraine le mot, avec Marc-Michel, c’est l’inverse. Ses contraintes et les interventions du public induisent l’histoire, elle se forge devant nous et l’on assiste, médusés, aux prouesses des « écrivants ».

Mais c’est au parrain de la soirée d’ouvrir le spectacle : Smaïn entre en scène, immense, décontracté, élastique :

- « Etre soi, être vrai, capter l’instant. »

Il l’a dit, il le fait. Va nous livrer quelques bribes d’une enfance et d’une adolescence bouleversées. C’est son amour pour la langue française et le Répertoire qui le sauve – «  Fallait qu’ j’avale le dico » « Molière ben j l’ai dans le ventre ! » Alors il passe le concours du Conservatoire. Le jury l’interrompt: - C’est bien mais… pour vous le patrimoine littéraire est restreint…Iago… peut-être. Pierre Vial, (membre du jury, professeur au Conservatoire et sociétaire de la Comédie Française) le choppe dès sa sortie de scène : « Je veux vous voir, venez lundi matin au Conservatoire. » Il ressuscite, Vial lui met le pied à l’encrier, certes avec les mots des Autres, mais aussi avec les siens. (Smaïn écrit diablement bien ).

- Être nu , être vrai… Le message est passé. L’amour, aussi.

 

Premier round : La consigne est donnée  «  vous écrivez à une personne qui vous est chère et qui n’est plus là. La contrainte sera de glisser trois mots donnés par le public. MMG plonge sa main dans un sac empli d’objets que les spectateurs ont apportés. Il sort un sabre en plastique.

– C’est qui ? Une main se lève et lâche un mot.

- Tailleur !

Et ça fusera dans la salle :

- Chevalier !

- Ratisser !

Les « écrivants » partent en coulisses .Ils ont 7 minutes chrono. Pendant ce temps d’autres artistes sont conviés. D’abord une chanteuse à la voix fauve, aux textes musclés. Trois chansons de Shein B et le rap se dit, caustique, dépoussiéré.

 

Deuxième round

Un seul et même texte divisé en quatre. Un début, une continuation, un final, le tout dans une sorte de cadavre exquis .

Le public lance:

- Ah si j’avais su !

- Et ce n’était pas fini !

- Ce que tu as toujours voulu mon amour.

- La nuit a éteint toutes nos étoiles.

 

Pause d’écriture. Marc-Michel nous offre un petit film qu’il a tourné et , monté en 24 heures, contrainte oblige . Il joue « Moi et Ouam » ou les tribulations d’un couple décalé. C’est drôle, c’est touchant, du Bergman mâtiné Tex Avery.

Les auteurs reviennent , lisent leurs productions, chacun y va de son tempo, de pizzicato à moderato cantabile, sous un tonnerre d’applaudissements.

Troisième round. Mais non, je ne déflorerai pas ici toutes les contraintes d’écriture, bien qu’elles changent à chaque fois

Tandis que nos poids Plume noircissent leur carnet. Philippe Guillard entre en scène, bateleur métaphysique qui attendrait Godot , la pluie ou un ailleurs et vous chavire le cœur de ses exils. Il interprète Caussimon, Léo Ferré et c’est du lourd, de la Langue, de la bonne Ronsarde, de la bien Rabelaise .

Nouveau défi : l’exercice d’écriture en direct d’une minute trente. Redoutable. Intime : nous assistons aux associations d’idées de nos auteurs , au patinage, au presque gadin mais au salto et triple axel de génie de leur cerveau kamikaze.

 

Agnès, Flore, Christophe et Christophe merci, mille et une fois . merci

 

- À Christophe Botti pour plonger « dans la transparence de ton regard » phrase imposée, et qui dans un tempo de rock and roll a fait rimer sa prose avec le baskets roses d’une jolie dame sur le plateau.

À Christophe Lenoir pour sa poésie, ses neiges éternelles ( il écrit au Mont-Blanc j’en suis sûre ), pour ses « soleils lointains qui tardent à venir » Mention spéciale pour la première contrainte vite réglée. Son personnage vit à : Serre-CHEVALIER , mot compte triple, bien placé.

 

À Flore, pour sa fluidité, sa grâce, sons sens méridional de l’enchainement « et on mangera des sorbets à la fraise », mais Dieu que c’était bon ! C’était givré, c’était frais, comme elle.

À Agnes Marietta pour son dernier défi :« J’aurais voulu soulever les pierres »

Elle est à genoux , sa feuille sur une chaise et fait semblant d’écrire tout en lisant , la candeur enfantine et le sourire tout comme, elle cherche… elle rit…silence radio …« J’aurais voulu soulever les pierres »

elle est au bord de l’abîme , plonge en apnée , on est avec elle, quand soudain elle a trouvé, tout trouvé, l’oxygène, le silence juste, et la chute : « - le silence c’est lourd (sourires de connivence dans la salle ) c’est lourd….bien plus lourd que …soulever des pierres.

 

Et c’est déjà l’heure du vote, à mains levés, et en silence. Les auteurs nous tournent le dos. Agnès remportera le prix : ce gros sac à malices qu’elle s’empressera de distribuer à ses camarades. Elle a gagné mais c’était collé-serré.

 

Il y eut ce soir tant d’émotions, de générosité, d’éclats de rire qu’il est difficile de se quitter. On voudrait continuer toute la nuit à jongler avec les mots et les étoiles, dompter des abécédaires fous, rester perchés, là haut dans les cintres du ciné 13 Théâtre. Descendre peut-être pour aller manger des pâtes mais alors ensemble – j’y ai pris goût – et puis c’est convivial les pâtes, vous savez les toutes petites, à potage, en forme de lettres mais puisqu’on a plus rien à se mettre sous la dent je vous laisse tout de même sur une pensée nourricière :

« Quand je flirte avec les mots au moins j’y mets la langue » .Smaïn *

 

- « Les Pensées de Smaïn  » . Fortuna Editions.

- « Délit de fa dièse » album, musique deMichel Legrand, paroles de Smaïn, sortie proche.

- «Borderline » de Jeff Freza. Mise en scène Smaïn. Au théâtre du Marais.

L' Amour d'Ecrire En Direct

Marc-Michel Georges

 

 

 

 

 

 

 

Mardi 11 octobre 2016 au Ciné 13 Théâtre

CAMILLE SOLAL

 

 

 

 

 

avec les écrivantsMarjorie Fabre, Alberto Lombardo, Grégoire Maréchal, Catherine Richon

 

avecles artistes 

Hervé Vilard, Dom Paulin, Eglantine Latil, François Thomas.

 

Parrain de la soirée : Olivier Bas

 

 

ON VA CHEZ MAMAN.

 

Ils vont être assis 2H.

Ça bruisse. Ça piétine. Ça piaffe. C’est la 9e année, la 52e soirée. Le bouche à oreille marche bien depuis le temps. Ils ont raconté ce qu’ils ont vécu. Oui madame. C’est comme ça qu’elles se reproduisent ces soirées.

 

Il est là, salle comble ce soir. Il veut rentrer, s’asseoir, être in situ. On lui dit « non pas encore », « non la salle n’est pas encore ouverte ». Il fait « MMMM » poliment mais n’en pense pas moins. C’est clair et net on ne va pas le tenir longtemps. La charcuterie, le fromage et le vin n’y suffiront pas. Ils veulent de la chair fraîche, le corps des auteurs. Ils veulent du sang frais, l’encre des bics. Ils veulent de la sensualité des émotions, du voyeurisme. « Ça « se fait en direct, sous nos yeux… vont-ils chuter ? comme un trapéziste dans un numéro aérien ?

 

Marc-Michel dit « c’est du haut vol ce soir »… La régisseuse dit à Marc-Michel « Il faut absolument dire aux gens de parler doucement en sortant sinon les voisins jettent des seaux d’eau. » des seaux d’eau pour éteindre le brasier. Il y a tant de talents et d’envie incandescents ce soir que je pense que les seaux d’eau ne suffiront pas.

 

Les stalles, étables, écuries de l’autre côté de la porte. Dedans, eux. Ceux qui écrivent. Seule dans la salle, j’écoute, je note, entre le public qui goûte la frustration du différé et eux, qui goûtent la peur panique qui monte seconde après seconde. Que va t-il se passer ?... Une voix me parvient, celle d’un auteur. Il est dans la loge, son écurie. Il n’a pas de corps encore. Juste une voix. Il parle de loin de sa phobie. Autre voix, à côté de lui, pas loin. Elle lui partage sa peur des chiens. Ils se mettent d’accord pour résoudre tout ça en thérapie… Tiens, un corps. Elle répète son entrée, sa courte présentation sous forme de tango parlé. Graphique, vibrant. Elle veut bien faire, elle joue quelque chose ce soir, quelque chose d’important, qui lui appartient.

Seule elle sait quoi… elle s’y accroche…

 

Il fait froid dehors, ici c’est déjà Noël. Marc-Michel est un écrivain de la danse. Gracieux, léger, aérien maître de cérémonie qui parvient la prouesse de prendre toute la place et de donner toute la place à ceux qu’il a invités. Je l’aime. Il rayonne de générosité. C’est son rêve cette soirée, son rêve incarné. Il fait danser sur le fil la vidéo, la chanson, les mots en musique (ce soir il veut retourner chez « maman »), la poésie, la philosophie… prise de risques en contraintes maximales… Pourquoi se faire ça ? Pour de rire… il tremble de trac et de plaisir comme un funambule qui cherche l’ancrage au sol avec Dom Paulin, amarré à son clavier… Dom dit dans ses yeux « je suis là , je ne te lâche pas, je ne bouge pas… ». Qui peut dire ça aujourd’hui ?...

 

Ca y est. On y est. Les auteurs pénètrent l’espace, comme une délivrance, enfin l’attente est finie. On va savoir. On se jauge, eux, nous… Olivier Bas est assis à côté de moi. Sa bienveillance de parrain irradie les gros canapés rouges moelleux. Il est content d’être là, il est ému, il a amené son fils. Transmission. Fierté. Ca aussi c’est l’amour d’écrire. En direct.

 

Première manche, Plume, bonhomme, vierge, estomac. Ceux qui ont été appelés pour donner les mots à immiscer sont rouges de gêne et de jubilation.

 

« C’est moi qui ai apporté cet objet, c’est moi qui ai dit le mot, et c’est moi qui suis allé sur scène ». C’est bon je peux mourir ce soir. On en est tous là, tout le temps, ce besoin de reconnaissance fondamental, radical, « Regarde moi maman ! » « je monte sur scène pour que tu me voies !! » C’est la phrase que j’avais travaillée en thérapie il y a des années, pour analyser mon désir de comédienne ; la thérapie était en loge tout à l’heure, elle est dans la salle maintenant. Et on est chez maman, c’est pas moi qui le dit, c’est Marc-Michel. La contrainte est d’inclure les mots dans une oraison funèbre. « Ca doit être lu tout haut après votre mort ».

 

Mon dieu. Et dire que ces contraintes sont imaginées par MMG à jeun, sans drogue, si je vous jure, je le connais. Même si lorsque sa vidéo « Moi et Ouam » dans l’épisode « il y a anguille sous l'jambon » est projetée, on ne peut plus être catégorique sur ce point. Ce qui est fascinant, c’est que personne ne bronche, ne se rebelle. Plus loin Marc-Michel demandera aux auteurs de s’allonger par terre, de se placer sous un tulle rose géant, de se faire tripoter le cou par un inconnu tout en écrivant, eh bien ils le feront. Sans discuter. Ils lui font confiance. Ils vont vers le gouffre en souriant…

 

Les auteurs justement. Alberto Lombardo commence fort et se «plante des carottes dans le cul et veut qu’on chie d’amour pour lui ». Fixation anale intéressante. Catherine Richon parle de sa dépouille puante. Schéma d’image corporelle étonnant. Marjorie Fabre veut faire tomber le masque, elle qui le porte depuis le début dans sa tenue de danseuse, mime comme une artiste formée par Jacques Lecoq, Figure tragique, Entre Médée et Dalida. Grégoire Maréchal et son costume parle d’avoir du cœur à l’estomac pour oser être qui il est ; il nous a dit avoir emprunté une voix « classique et normée » avant d’oser le chemin de l’écriture. Il est aux prises avec cela. C’est son oncle qui lui montre la voix, (e), lui qui selon Grégoire n’avait pas de talent réel mais grâce à la puissance de son désir, a réussi à obtenir un prix littéraire. Comme quoi. Ca me rappelle l’anecdote des grenouilles qui tombent dans le bol de crème liquide ; plutôt que de se laisser noyer, autant se débattre ça peut faire de la crème fouettée et nous permettre de sortir du bol…

 

Norme et désordre, comment être moi pleinement et oser te déplaire en étant sûr que tu m’aimes inconditionnellement toujours… Tout à l’heure, Alberto a parlé de sa mère, de sa grand-mère, ce soir définitivement on est dans les jupes du maternel, sous le regard de maman, ou de son absence. Et alors on a froid… Tout à l’heure encore d’ailleurs Catherine parlera du besoin de sa couette, tout la journée, retrouver sa chaleur et son accueil, à la maison, dans le lit, elle au moins ne bouge pas, ne va nulle part, n’abandonne pas….

 

Dom Paulin au piano chante une épopée fantastique. Les loups sont entrés, et sortis de Paris. Et ça fait « rire charmante Elvire ». Par ce mouvement, il prend le devant de la scène ; le reste du temps il sera accompagnateur, soutien, spectateur même mais là il est devant. C’est moi que tu regardes maman.

 

Hervé Vilard vient dire du Lafontaine, il s’excuse de n’être pas Lucchini. Ca tombe bien on ne veut pas voir quelqu’un d’autre. C’est toujours la même histoire, on n’est « que » soi, on s’excuse de ce qu’on donne à voir…. Comme Catherine qui a dit son nom au début et qui aurait « aimé que ça suffise ». La vérité c’est que ça suffit largement. C’est dans la tête. Et Hervé est touchant comme un petit garçon qui savoure l’effet de sa fable sur les grands qui l’écoutent. Il a 70 ans. Je ne le crois pas ; pas une seconde.

 

Ah ! C’est l’heure de l’analyse du public au travers des objets qu’il a apporté. Oui c’est aussi ça l’intelligence de Marc-Michel, il sait bien mettre en avant les gens dans l’ombre, il dit « ce n’est pas parce que tu es assis dans le noir que je ne te vois pas, je connais mon public ». Figure maternelle idéale !

 

François Thomas est aux manettes de ce numéro d’équilibriste. Il est au four et au moulin d’ailleurs parce que tout à l’heure il va jouer du piano de concert avec Eglantine Latil, violoncelliste de métier gracieuse et inspirée. Je l’ai vu à l’entrée plus tôt, déchirant les billets. Je mettrais ma main à couper qu’il a cuit lui même le pain qu’on mange avec le fromage ce soir. C’est beau. Il occupe le terrain, il joue ses cartes, tente sa chance, donne de la voix à son chapitre. Il étiquette le public ce soir « en crise, déboussolé, pas franchement politisé ». C’est comme toujours brillant et très drôle.

 

Les auteurs reviennent avec la production de leur écrits sous contrainte ; le portrait imposé d’une spectatrice peut se résumer comme suit : il s’agit d’une psychotique aux personnalités multiples se faisant appelée Hortense Van Den Brecht pour Marjorie , déclarant être la fille du commandant Cousteau, en bottes et ciré à Montélimar pour Grégoire, plus connue sous le nom de Marie Girard, la mangeuse d’âmes rayon charcuterie au supermarché pour Catherine, enfin identifiée comme Adèle la stagiaire de l’hôpital psychiatrique pour Alberto.

 

Grégoire a ensuite une écriture brillante lors du passage en musique et se lamente de l’usage abusif du la majeur et Marjorie veut filer en douce pour rompre au petit matin.

 

Quand ils entament le dernier exercice de l’écriture en direct au micro, sous le tulle, avec un partenaire imposé dans leur dos, ils sont épuisés, exsangues, mais ils en redemandent. Nous pareils en fait. Moi je me dis à cet instant qu’il s’est passé tant de choses que je ne sais foutrement pas comment je vais le traduire. Comme du foutre peut-être, un jaillissement orgasmique et on verra bien…

 

Catherine dépiaute la sirène et miaule en couple, attisant le désir chez l’autre fantasmé, elle aurait aimé un bel homme musclé dans son dos. Tant pis pour elle c’est une autre Catherine qui s’y colle. Narcisse, double siamois. Marjorie, les yeux fermés est inspirée par Clémentine qui « est aussi un fruit », Merci Marc-Michel, parle de je ne sais plus quoi. Je ne l’écoute pas vraiment à cet instant, je la regarde, elle est si habitée, c’est si important pour elle… Alberto et Nicole parlent du grand-père qui lui aussi veut se planter des carottes ou des pommes de terre dans un champ on ne sait plus très bien. Grégoire et Amélie avaient ouvert le bal comme le proue d’un bateau. Pas le titanic. Plutôt un duo de cordée d’ailleurs car Grégoire parle d’alpinisme. Après la mer, la montage et son symbole phallique.

 

Voilà c’est fini, les mots fusent pour définir les auteurs « Emphase, romantique, intense, touchante » pour Marjorie, « drôle, humanité, ludique » pour Catherine, « inattendu, nez de clown, forme classique » pour Grégoire, « audacieux, drôle » pour Alberto. Tiens tu as moins de mots Alberto mais tu repars avec le sac car le public te choisit comme vainqueur.

Tout le monde a parlé, chanté, dansé, écrit, joué, composé, émis, ri, laissé une trace, sous ton regard, dans ta chaleur, dans ton amour. On a envie de recommencer. Mais là on est fatigué, on va faire dodo, on peut dormir bercés. Je peux dormir tranquille, tu m’as regardée. Je t’aime maman.

 

CAMILLE SOLAL

12/10/2016

 

 

 

 

Vendredi 24 juin, 2016 la 51è soirée "L'amour d'écrire en direct"

EVELYNE DRESS

 

QUELLE SOIREE !

 

Sur la scène du Ciné Théâtre 13, un lieu cher à Claude Lelouch, un pianiste caresse son piano électrique. Une fille, short et chaussures rouges, s’échauffe la voix. Marc-Michel Georges, le maître de cérémonie, lance en passant : « La petite-fille de Piaf ! », et la fille de répondre dans un soupir « J’aimerais bien ».

Une autre entre, blouson et lunettes noires, chapeau de paille d’Italie posé sur des nattes, elle traverse la scène, pirouette sur la musique, et faisant tourner sa jupe, offre son plus beau sourire à Thierry, son amour, resté dans la salle.

« Ça fait 35 ans que je ne suis pas remontée sur scène, dit une troisième, blonde à souhait, ça, n’a jamais vraiment décollé. Ce soir, je vais faire un grand saut dans l’inconnu, j’ai le trac, mais ça me plaît ».

Marc-Michel, anxieux, s’inquiète : il y a moins de réservations que d’habitude, des gens se sont décommandés.

Mais, petit à petit, la salle se remplit, comme à chaque fois ; les aficionados n’auraient, pour rien au monde, raté la dernière représentation de l’année de « L’amour d’écrire en direct », une sorte de happening qui ne ressemble à rien d’autre.

Ils sont tous là, qui dans les coulisses, qui dans les profonds fauteuils en cuir du théâtre, le spectacle peut commencer. Marc-Michel Georges s’adresse à la salle, en direct, simplement, et dit de sa belle voix, suave, comme en confidence « Ça me ramène à l’Afrique que je fréquente souvent. Là-bas, je me mets à parler fort, adultes et enfants m’écoutent et, un soir, après un texte de Cendrars sur la beauté des femmes, un enfant s’est mis à faire l’avion en hurlant de joie. C’était un texte très simple, j’ai envie de vous le dire :

Quand tu aimes il faut partir

….............

….....

Le monde entier est toujours là

La vie pleine de choses surprenantes

Je sors de la pharmacie

Je descends juste de la bascule

Je pèse mes 80 kilos

Je t'aime

(Tu es plus belle que le ciel et la mer, Blaise Cendrars, Feuilles de route, 1924)

Et Marc-Michel termine en faisant l’avion comme le petit enfant d’Afrique. Voilà, avec la poésie qui le caractérise, il a donné le ton de cette soirée, unique au monde. Au moment où tout fout le camp, quelque chose vibre dans l’air, ici-bas, ce soir.

Il appelle gentiment les intervenants à le rejoindre : Moi, Evelyne Dress, journaliste pour l’occasion, Emmanuel Courcol, scénariste, réalisateur, comédien, le parrain de la soirée, et les écrivants, ceux qui n’ont peur de rien, qui vont se jeter dans le vide, sans filet : Corinne Lagorre, Brigitte Lechanteur, Jonathan Kerr. La quatrième s’est excusée, un empêchement de dernière minute.

Marc-Michel Georges lance un appel : « S’il y a quelqu’un qui veut bien faire le 4ème dans la salle ». Henri Gruvman, dit Gru-Gru, comédien, saute de son fauteuil : « je suis votre homme ». Venu, les mains dans les poches, sans arrière pensée, avec seul son plaisir de partager un moment de théâtre, il faut lui trouver du papier et un stylo.

Le pianiste, Dom Paulin, joue quelques notes, pendant que Marc-Michel, qui ne nous cache rien, est allé boire, parce qu’il lui restait quelque chose dans la gorge. Il revient : « Vous voyez, ça n’a pas été trop long » et enchaîne avec une chanson de sa composition. Au bout de deux phrases qui nous enchantent « Manger un piment à Beyrouth… », il s’arrête. On pourrait croire qu’il s’est trompé, mais non, c’est juste qu’il a envie de recommencer, parce qu’il ne se sentait pas dedans. Ici, on fait du théâtre à la bonne franquette et la magie opère. Les spectateurs sont contents et applaudissent. Les mots de Marc-Michel fusent à nouveau « Laisse-toi emporter par le vent… »

C’était un en-cas, les auteurs vont jouer leur va-tout. Ils doivent écrire autour d’une phrase « Cessez le feu » en hommage au parrain de la soirée Emmanuel Courcol qui vient de terminer le tournage de son film « Cessez le feu », justement, avec Romain Duris.

Marc-Michel agite un grand sac, une sorte de hotte du père Noël, dans lequel chaque spectateur, suivant la consigne, a déposé un petit objet. Il en remonte un stylo : « À qui appartient-il ? » Et le donateur de proposer une phrase complémentaire : « Il était temps de vivre ».

Les écrivants se retirent, ils ont dix minutes.

Pendant lesquels, Marc-Michel nous occupe avec un petit film de sa façon : « Moi et Ouam », l’histoire d’un couple : il est parti à vélo, alors qu’elle avait envie de faire l’amour. Elle dit : « Tu poursuivais une quête » et il répond « Et toi une quéquette ». Marc-Michel Georges joue les deux rôles. C’est à mourir de rire. Il nous surprend par son audace, sa fantaisie qui transcende le désespoir. Il ne fait pas dans la poésie, Marc-Michel est la poésie, une poésie aussi amère que sincère.

Dom Paulin, le pianiste, enchaîne avec une petite chanson : « Prise de tête » et bientôt, quelqu’un souffle de la corne de brume. Le temps est venu pour les auteurs de nous livrer leur texte.

Chacun donne à entendre du vrai, du beau, du vécu, de l’émotion. C’est époustouflant ! Dix minutes leur a suffit pour restituer une vie ! Quelle soirée !

Le prochain défi : réécrire les paroles de La Marseillaise. Marc-Michel plonge à nouveau la main dans la hotte du père Noël. Cette fois, il en sort un petit dromadaire. C’est une Magalie qui propose d’ajouter le mot « Voiture » à La Marseillaise.

Les auteurs se retirent et Marc-Michel nous présente celui qui va venir occuper les prochaines dix minutes. Il a passé son enfance à Pigalle. À 18 ans, il a rencontré Dalida, puis, Marguerite Duras. Il a chanté Jean Genêt et Aragon, j’ai nommé Hervé Vilard. Ce soir, il va dire un extrait de Deburau de Sacha Guitry.

Monsieur Hervé Vilard excelle dans le rôle titre, tenu en 1918 par Guitry lui-même. Ses admirateurs, venus de très loin pour certains, applaudissent à tout rompre.

Un peu de corne de brume et les auteurs reviennent nous enchanter avec leur version, toute personnelle, de La Marseillaise.

Mais, on ne perd pas de temps, Marc-Michel leur lance déjà un nouveau défi : écrire une lettre au théâtre. Cette fois, ils n’ont droit à aucun mot, ils sont en chute libre.

Pendant qu’ils disparaissent dans les coulisses, Marc-Michel appelle Shein B, une « Algérienne de Valenciennes », dit-il pour la présenter. Je la reconnais, c’est la Piaf du début. Elle commence par dire un poème, puis se met à chanter et nous arrache le cœur avec sa voix, sa musique, sa vérité. Après deux chansons, elle demande 5 ou 6 mots. La salle lui lance : « soleil, chemin, joyeux, dormir, voyager » et elle improvise un poème brûlant avec une aisance incroyable. Quelle soirée !

Les auteurs, la mine réjouie, reviennent cracher leur amour du théâtre. C’est flamboyant ! Dom Paulin inspiré par la lettre de Corinne Lagorre sous-tend le texte par Les Gymnopédies d’Eric Satie. Quelle soirée !

Marc-Michel enchaîne. Cette fois, l’exercice consiste à piquer une phrase dans le recueil de poésie de Michel Houellebecq et les auteurs de la continuer pendant une minute et demi, montre à l’oreille. Marc-Michel plonge la main dans le sac du père Noël et en ressort un étui à lunettes. « À qui cet étui ? Donnez-moi un numéro de page ». « page 35 » : « D’abord, j’ai trébuché dans un congélateur ». Assis au milieu du plateau, l’auteur fait semblant d’écrire, les mots lui viennent au fil d’une plume imaginaire : « ensuite, je me suis trouvée face à une porte coupe-feu… ». Au suivant : « page 52 » : « Mon père était un con solitaire et barbare » et d’enchaîner : « et unijambiste… ». Au suivant : « page 38 » : « Je revois les yeux bleus des touristes allemands » « et le coca qu’ils mettaient dans leur champagne… ». Au suivant : « page 69 » : « le chevauchement mou des collines »…. L’exercice se termine. Quelle soirée !

Exsangue, à bout de souffle, mais heureux, Marc-Michel demande à ses auteurs de se retourner, face contre mur, et à nous, les spectateurs de voter.

La salle décerne à Corinne Lagorre, le Prix de la plus belle émotion, à Brigitte Lechanteur le Prix de la lettre la plus sincère et la plus percutante, à Henri Gruvman, le prix de la folie et à Jonathan Kerr, le grand vainqueur, le Prix du Public. Quelle soirée !

Comment rivaliser avec eux et réussir à vous faire partager ce moment d’exception. Un exercice incroyable que les auteurs s’imposent avec courage et jubilation ! La contrainte aide, paraît-il ! Chapeau les artistes ! Merci pour votre talent et à la saison prochaine, Cher Marc-Michel Georges.

 

Evelyne Dress

evelyne-dress.com

 

Son dernier roman « Les chemins de Garwolin » sortira le 10 octobre.

 

Elie PRESSMANN

 

Que de l’amour ! Que de l’écriture ! Que du direct ! (dans ce Ciné13 théâtre, ex théâtre du Tertre où j’ai fait mes débuts en un lointain siècle dernier dans la première mise en scène d’Antoine Bourseiller dans une tragédie en vers de Tristan L’Hermite où tout le monde s’esclaffait dès mon entrée, étant le seul à porter un turban )

En ouverture, une très jolie chanson de MMG où il nous explique pourquoi et comment il fait pipi sur le plancher et de la difficulté d’être un artiste.

Que de l’amour ! C’est dingue non ! C’est pourtant vrai. Et c’est tout M.M.G. Et pas tout à fait exact, il y a aussi de l’enregistré mais tout frais, tout chaud du matin. En compagnie de ses alter ego (Moi et Ouam) l’ « Ego des Uns étant rarement l’égal des Autres », il s’en donne à cœur joie. Quand je dis cœur c’est peut-être un euphémisme. Je lui suggère d’ailleurs de transformer l’identité de OUAM en ROUAM ce qui serait l’anagramme d’AMOUR . Cette fois-ci il a troqué les bretelles de son accordéon contre un piano électrique mélodieusement animé par Dom Paulin.

A la corne de brume : Katia. (petite réflexion personnelle : l’utilisation des « langues de belle-mère » quasi nulle lundi soir alors que de mon temps ça soufflait dur, est peut-être un signe de béatitude)

Étonnant parrain de la soirée en la personne de Cyril Casmeze qui nous offre une rétrospective stupéfiante de sa carrière de comédien zoomorphe. Bien que s’étant considérablement humanisé il offre en conclusion et en direct une proposition amoureuse à une spectatrice du premier rang très convaincante.

Les « écrivants » de la soirée sont mesdames Isabelle Chipault et Susana Lastreto et messieurs Basile Bernard de Bodt et Jean-Christian Grinevald. Bravo pour la parité. Ils souffrent , transpirent mais sont si heureux de venir nous offrir le résultat de leur phosphorescence.

C’est très varié et toujours jouissif, plein de fantaisies et parfois de surprise en forme d’ode à la souffrance des Syriens.

Que de l’aventure et du suspense. Chaque exercice apportant à ces acrobates de la plume, un peu de baume à leur angoisse créatrice.

Entre chaque round il y a toujours un intermède, l’un d’eux, interprété par un personnage insolite et poétique, étonnant cousin d’un monsieur Plume de Henri Michaux. Un vrai régal. Un dénommé Triboulet. Magnifique.

A la fin de la soirée le public heureux doit trancher et attribuer le premier prix. (de mon temps il y en avait deux : Prix du Jury et Prix du Public)

Et le prix est attribué à la bellissima Susana Lastreto qui va partir avec son sac de petits cadeaux surprises après une toujours subtile, savoureuse et néanmoins savante interprétation de leur signification par le philosophe-psy François Thomas.

Bravissimo et à la prochaine pour la 51 ième de l’Amour d’écrire en direct !

« Ce n’est pas l’arbre qui fait chanter l’oiseau »

« Les années bissextiles sont faites pour aimer deux fois plus »

 

Elie Pressmann

www.eliepressmann.com

 

Elie Pressmann, est au Théâtre Essaïon, du jeudi au Samedi à 19h45 (le dimanche à 18h), avec son dernier roman « Le Petit Garçon » dans une mise en scène de Catherine Hubeau. Jusqu'au 24 Avril.

 

 

 

 

 

 

 

 

Eduardo Manet

 

 

Le 24 novembre du 2014, Marc-Michel Georges m’avait nommé « parrain » de la 45ème édition de L’Amour d’écrire en direct. Heureux et plus que ravi « parrain » car la « marraine » était la sublime Julia Palombe.

Pour 47ème édition du 22 juin 2015, Marc-Michel Georges m’avait demandé d’être le « journaliste » de la soirée. J’ai dit « oui » car…Qui oserait dire « non » à Marc-Michel Georges ?

Son enthousiasme, son énergie, son regard sincère font de lui l’ami-frère que nous tous, garçons et filles, jeunes et moins jeunes aimons à le seconder et à le voir sourire.

Il y en a plus.

Je croyais tout savoir de cette activité dirigée par MMG. Je pensais que rien ne pourrait plus me surprendre.

J’avais tort.

Le 22 juin au « Lucernaire » je suis passé de surprise en surprise. À commencer par MMG avec son accordéon, son texte, sa voix. Je croyais qu’il était un « Français de vieille souche ». Mon erreur. Je me suis rendu compte qu’il est un Gitan au grand cœur.

Passons au titre de ces événements (8ème année !!) L’amour d’écrire en direct.

Il y a surtout, l’amour d’écrire. Point à la ligne. Chaque auteur, chaque auteure qui participe montre cet amour qui fait partie de sa vie. On commence à écrire pour soi, poèmes, textes…Une manière d’exprimer ses rêves, ses angoisses, ses doutes…Puis On écrit (poèmes, romans, théâtre…) pour essayer de « communiquer avec les autres ». Et cela, qu’on le veuille ou non, est un acte d’amour.

Oui, bien sûr, l’envie d’avoir un (gros) succès (qui apporte « les gros sous ») fait partie de ce désir de communication. Et alors ? Quand On aime quelqu’un ou quelqu’une, le succès doit être aussi au rendez-vous.

Amour de l’écriture…

Oui, mais aussi, à chaque occasion, Marc-Michel nous montre son amour-passion pour la bonne humeur, pour les soirées festives, pour la joie de vivre. Ses films « loufoques » font partie de la soirée.

J’ai entendu une personne murmurer :

« Il n’a peur de rien, Marc-Michel »

Et en effet : il n’a peur de rien. Et surtout, il n’a pas peur d’évoquer l’amour physique.

Deux jeunes dames bellissimes qui jouent, nues, et avec conviction l’acte de l’amour.

Et, soudain, cet acte physique se transforme en matière poétique.

Nous sommes loin, chers camarades, très loin des « normes bourgeoises ».

Le Gitan-Marc-Michel nous conduit sur des terrains sulfureux et oh combien ludiques !

Et, à ma plus grande joie, le nom (le poème) de Tristan Tzara a été évoqué.

Dada. Double « Oui » en langue russe.

Le Dadaïsme.

Un mouvement littéraire tombé dans l’oubli ? Oui, quand il s’agit des institutions bourgeoises, Non, dès qu’on met les pieds sur le terrain marc-michel-georgesien.

Dada était là.

Et Nietzsche n’était pas loin, lui non plus.

Il y avait du nihilisme en l’air ce 22 juin au Lucernaire.

Quoi vous dire de plus ?

Il me tarde de participer comme ami, comme spectateur, à la prochaine soirée d’écrire en direct.

Jusqu’où ira-t-il MMG ?

Quelles nouvelles (belles) surprises ?

Quels nouveaux (joyeux) défis ?

Merci, frère.

Les temps actuels sont tristoches y tu nous offres, à chaque occasion, une opportunité de bien rire.

 

Eduardo Manet

 

Ses pièces ont été présentées plus souvent que celles de tous les autres dramaturges cubains.  Il a gagné sa place dans l'histoire du théâtre français. 
Ses oeuvres ont été traduites dans 34 langues.  
Il a été honoré deux fois par la République française.  
Il obtient en 1989 le prix Lugné Poe SACD pour Les Nonnes. 
Il a obtenu en 1992 le prix Goncourt des lycéens pour L'Ile du lézard vert (Flammarion) et, en 1996, le prix Interallié pour Rhapsodie cubaine (Grasset). 

 

Philippe Touzet

 

 

L’amour d’écrire en direct

ou

Écrire, c’est de l’amour en direct

 

Le théâtre La Boussole porte bien son nom car, très vite, avec L’amour d’écrire en direct, on perd le nord… Et pourtant, nous sommes à deux pas de la Gare du Nord, pas loin de la Gare de l’Est… Comme repères, on ne peut guère faire mieux. Pourtant, en l’espace de quelques mots, on est à l’ouest… Avec un zeste de sud dans la manière de mener la soirée.

 

L’amour d’écrire en direct… Qu’est-ce que c’est, docteur ? Je serais tenté de répondre par l’intermédiaire d’une vieille publicité qui disait : « C’est comme Le Port-salut, c’est écrit dessus ! » Je suis certain que c’est le même type qui a trouvé « Du beau, du bon, Dubonnet ». Un génie méconnu… L’amour d’écrire en direct, c’est de l’amour, de l’écriture, le tout mélangé, préparé, présenté en direct au public. C’est un événement festif et ludique qui permet d’aller à la rencontre, de découvrir les écritures contemporaines. Nous sommes au cœur, à la racine du spectacle vivant. Des autrices et des auteurs d’aujourd’hui qui écrivent pour des hommes et des femmes d’aujourd’hui. C’est une soirée à hauteur d’Homme. Profondément humaine. Le public n’est pas un conglomérat d’individus mais un collectif en phase avec les autrices et les auteurs qui jouent le jeu à fond. Ce n’est pas une mince affaire pour les auteurs de se plier à ces exercices basés sur l’immédiateté, la spontanéité, l’improvisation… On est bien loin de son petit bureau, chez soi… Ici, la solitude est un concept inconnu… Une fois la règle du jeu énoncé, les écrivains se retirent… Ceux qui ont besoin de calme et de sérénité pour écrire en seront pour leurs frais, car pendant ce temps-là, sur scène, c’est un vrai festival d’humour, de musique et de sensualité. C’est un show. N’ayons pas peur des mots. Un show autour de l’écriture. Des artistes, venus de tous les horizons, apportent leur talent sur un plateau et donnent ainsi à cette soirée une dimension hors norme. Générosité, c’est un mot, un élan du cœur, qui colle bien à L’Amour d’écrire en direct. Durant cette soirée, je me suis fait cette réflexion : « Ici, on aime les auteurs… Ça se voit, ça s’entend, ça se sent…C’est presque animal… Et les auteurs s’éclatent… Et le public aussi. » Que dire de plus… Que vouloir de plus… L’Amour d’écrire en direct est magique !

 

Quand on parle de magie, on pense de suite aux fées. Je vais donc vous raconter, vous pouvez vous asseoir par terre, l’histoire de la fée Marc-Michel Georges… Comme vous l’avez sûrement remarqué, car je vous sais très éveillés, on n’est pas chez Disney. Marc-Michel est auteur. Oui, bon, vous allez me dire, et alors ? Moi, je suis dentiste et je ramène pas ma fraise ! Mais je doute fortement qu’un dentiste puisse créer L’Amour d’écrire en Direct. Il faut être un auteur qui aime les autres auteurs. Marc-Michel est cet homme-là. C’est un auteur talentueux. Il aurait pu se contenter d’écrire et ça serait déjà très bien. Mais non… J’ai toujours eu beaucoup d’affection pour les hommes et les femmes qui en font un petit peu plus… Qui sortent du cadre pour mieux écrire sur les murs. Car il en faut de l’énergie, du temps et de l’amour pour porter un événement tel que L’Amour d’écrire en direct. Marc-Michel Georges est un militant de la cause des auteurs. Ce n’est pas le genre d’homme qui va vous bombarder de concepts fumeux sur le pourquoi et le comment de l’écriture dramatique… C’est un homme qui agit. Qui pense et qui danse. Un auteur qui fait écrire d’autres auteurs… Le partage de L’Amour d’écrire en direct.

 

J’adresse une spéciale dédicace aux participants de cette 46ème édition de L’Amour d’écrire en direct. Les autrices et auteurs, Flore Cherry, Sandra Reinflet, Delphine Gustau et Esteban Perroy. Les artistes, Pascal Sandoz, Alixia Busch et la Cie d’improvisation Les Eux. Merci à eux pour leur talent, leur générosité et leur goût du risque…

 

Les écrivains associés du théâtre (eat) soutiennent depuis le début L’amour d’écrire en direct. C’est un soutien qui a traversé plusieurs présidences… En tant qu’actuel président des eat, je n’irais pas par quatre chemins… Pour moi, soutenir L’amour d’écrire en direct est une évidence.

 

Philippe Touzet

Président des écrivains associés du théâtre (eat)

www.eatheatre.fr

 

 

Thierry de Carbonnières

 

 

Ensemble

 

Les escaliers du passage des Abbesses vite avalés, soudain l’air fraîchit. En hiver, quand il pleut métro Anvers, il neige rue du Chevalier de la Barre : Montmartre est le Mont-Blanc de Paris ! Place Marcel Aymé, j’arrive devant le Ciné 13 Théâtre, je descends au bar, quelques artistes, dont un aux cheveux vert, dégustent du fromage accompagné d’un ballon de rouge. Dans les loges, Marc-Michel boit un breuvage à base de gingembre et de menthe, très bon pour la vitalité. La bouteille passe de bouche en bouche, les paroles fusent, on s’interpelle, on rit beaucoup, mais l’essentiel se jouera dans quelques minutes sur scène. Je m’assois dans la salle vide. Le public entre. La tension monte d’un cran. Chaque soir c’est la même question : vont-t-ils être nombreux ? Pendant que la salle se remplit, Marc-Michel déclame un poème accompagné au piano par Dom Paulin, l’homme aux cheveux verts. Miracle : la salle est complète. Ma voisine actionne une langue de belle-mère dans ma direction, un autre une trompe, ça blague, ça piaille, c’est beau, c’est rare, c’est à Montmartre, en plein état d’urgence post-attentat. Marc-Michel présente José Valverde qui nous avoue qu’il est complètement incompétent : la preuve, 50 ans plus tôt Jean-Marie Serreau lui confie un manuscrit pour avoir son avis. José, après l’avoir lu, lui répond "bof, bof, bof"… c’était "En attendant Godot" ! Rires, applaudissements. La soirée est lancée. Hervé Vilard, les yeux fermés, déclame "Le Divan" de Rostand, "Ce qu'il faut pouvoir, ce qu'il faut savoir, c'est garder son rêve." Il repartira comme il est arrivé, tel un ange ailé. "La vie, ça glisse entre les doigts, entre les cuisses" nous chante Marc-Michel. Sous un tonnerre d’applaudissements, tels des gladiateurs, les quatre "Écrivants" entrent majestueusement en scène. Chacun se présente à sa façon ; à l’aide d’un kazoo, une guitare, en créole, et l’un finit par dire "Sur la scène, pleine de vous, j’ai gagné de la force, de la profondeur." Pour la première épreuve d’écriture, le public lance cinq mots et un titre "La porte est fermée" aux auteurs. Carnet en main, ils se retirent. Shein B apparaît, toute en retenue et en sensibilité : dès qu’elle prend le micro quelque chose se serre là-dedans, un je-ne-sais-quoi qui fait qu’on est ému. Elle enchaîne un rap improvisé : exercice de voltige maîtrisé à la perfection. Applaudissements. Les auteurs reviennent. Camille Solal débute une histoire de laboratoire "Pulvérisé par la pression…", Sandra Reinflet, nous parle de la ligne 12, je retiens une phrase étonnante "Je sens le sexe à travers les affiches" : fallait être là pour l’entendre celle-là ! Gérard Levoyer, crinière et barbe blanche se lance dans une allégorie du Loup et l’Agneau, conclue par "Si monsieur de la Fontaine est dans la salle qu’il en fasse une fable". Nicolas Arnstam, (n’écorchez pas son nom, sinon il vous mordra !) avec sa bouille qui ne vieillira jamais, nous conte une surprenante course de hamsters qui s’achève par un "Allez, au gniouf, les apprentis terroristes !" de circonstance. Prochaine mission, écrire un petit poème en vers, octosyllabe démarrant par " Aujourd’hui ton anniversaire". Sur l’écran noir, le court métrage "Moi et Ouam", extravagante dualité de la vie intérieure du maître de cérémonie, joué, écrit, filmé, monté en un jour, chasse les écrivant vers les coulisses. "Je voudrais le lire dans tes yeux que tu m’as fait l’amour." se dit Marc-Michel à lui-même : tout un poème ! Dom Paulin, voix claire, acidulée et profonde nous interprète "La Coccinelle". Mais déjà les "Écrivants" reviennent, concentrés. Sandra dédit son poème à Nicolas, qui enchaîne par "Et tu reprendras bien du dessert", Camille "Tes amis sont là ivres morts", Gérard finit le travail par "Tu leur avais cuisiné des moules de l’année dernière" : tu parles d’un anniversaire ! Applaudissements. Prochaine consigne, votre texte doit débuter par "A ce moment-là je me suis tourné vers le public et j’ai parlé de moi." Les écrivants sortent. Ça accélère, Lauréline Kuntz saute sur scène. Un corps de liane, un regard bleu acier : elle est drôle, étrange, claire et foutraque à la fois, elle est libre, elle vole, se joue des mots et de nous avec, on respire, "Mais qui a la main grise dans ce pays ? " nous demande-t-elle. On attend la réponse avec anxiété. Applaudissements. Les écrivant reviennent. La fatigue se lit sur leur visage. Camille très beau texte sur une femme qui s’est racontée à tous ceux qu’elle a rencontré, et qui a fini par monter sur scène pour en faire son métier, Nicolas, nous parle de l’ouvreuse Elisa qui profite de l’absence d’un comédien pour réaliser son rêve, Gérard d’un Thierry trop méchant pour qu’on le laisse avec sa petite sœur, et Sandra assène, à propos des piqûres, "Même les fakirs l’avouent : ils n’aiment pas ça". La soirée tire à sa fin. François Thomas, le philosophe de service, un brin lunaire vient parler des objets que le public a amenés : une poterie, des lentilles de contact, une carte de vœux, un ticket de métro, une chouette… c’est drôle, léger toujours en dérapage contrôlé. Derrière chaque mot, un double sens. Un régal. Mais le plus dur est à venir. Nous y sommes : écrire en direct live ! On les sent au bord de la rupture. Vont-t-ils, comme les chevaux devant la dernière haie, refuser l’obstacle ? C’est dans l’effort et la contrainte que l’artiste se révèle. Gérard commence "Millions, millions et millions d’étoiles, je marche sur un chemin de campagne, je les compte une par une. La nuit zézaie tout autour…" Puis Sandra "Je rêverais d’être une scientifique, avec un haut rouge et une jupe noire…" Puis Nicolas, " C’est le Père Noël qui t’écris, ça change. J’ai un gros problème, je ne peux plus faire ma tournée. Avec ma barbe, on me prend pour un Imam radicalisé". Enfin Camille s’approche dans la lumière : je suis comme un lapin dans les phares, nous confesse-t-elle. "L’infini du cosmos étoilé luit sur ma peau, sur ton torse, comme l’amour qui nous unit : Marc, j’écris ton nom…" C’est fini. Ces auteurs écrivent comme nous devrions vivre. Ils inventent leur univers à mesure qu’ils avancent. Chapeau ! Le moment est venu de défendre les "Écrivants". Rapidement des vocations d’avocat naissent dans le public. Chacun a été bon, très bon, mais l’important est autre part. L’important est d’être ensemble ! À l’issue d’un vote extrêmement serré, Gérard Levoyer est déclaré vainqueur. Et José Valverde de conclure, en mémoire de Beckett, d’un tonitruant "Bof Bof Bof", qui, comme un élastique, nous redirige vers les étoiles ! Nous nous séparons sur une chanson de Charlebois reprit en cœur par le public "Quand les hommes vivront d’amour, il n’y aura plus de misère, et commenceront les beaux jours, mais nous nous saurons morts mon frère." Ce soir, nous ne sommes pas morts. Nous ressortons plus vivant que jamais de "L’amour d’écrire en direct". Saluts et applaudissements.

Thierry de Carbonnières.*

 

* acteur au théâtre, cinéma, télévision (« Plus belle la vie »), auteur du roman « Saluts et applaudissements » qui rencontre actuellement un beau succès ! En dédicace le samedi 12 décembre, de 15h à 19h à la librairie le Coupe-Papier, rue de l'Odéon (Paris).

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